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Soyez positif ! Attitude prescrite

Abécédaire du management. P COMME POSITIF



Vous en avez marre de la pensée positive ? Ne le dites à personne, cela pourrait se retourner contre vous. La méfiance cynique, l'esprit négatif, le pessimisme ont déjà mauvaise presse dans notre pays réputé pour son insatisfaction structurelle et ils sont plutôt mal vus dans les organisations de travail. Il faut être positif. Dans certains lieux, c'est même une question de survie statutaire, comme me le confiait un manager récemment : « Si j'ai un problème, je ne fais surtout pas remonter. C'est simple : tu parles d'un problème à ta hiérarchie, tu deviens ce problème ».


Enterrés la souffrance au travail et les récits de vie doloristes des années 90 ! La positivitude (mot breveté par des cabinets de développement personnel) est bonne pour la santé des individus et des organisations elles-mêmes.


Je ne fais pas ici la liste des exercices individuels censés développer « l'esprit positif ». Le supermarché est facile d'accès, ouvert 7jours/7 : méthodes pour se centrer sur ses expériences positives de vie, devenir une personne augmentée... Il faut dire qu'on est grandement encouragé par les réseaux sociaux à se forger un moi en béton : on se met rarement minable sur facebook ! Point de pessimisme ni de négativité, on doit respirer la réussite, le bonheur super U, qui se paie généralement d'une scénarisation de soi à tous les étages... Nostalgie peut-être de ces livres pour enfants d'il y a une trentaine d'années : vous vous souvenez, « ce livre dont vous êtes le héros » ?


Plus intéressante est la manière dont cette injonction à être positif est relayée dans les organisations de travail. Dans le langage d'abord. Certes, le parler positif euphémisant, gommeur de conflictualité n'est pas nouveau : on connaît les plans de sauvegarde de l'emploi, la fluidification des effectifs, la dynamisation des départs volontaires, les personnes en transition professionnelle qui ont été libérées par leur employeur, etc. Mais il y a quelque chose de différent dans la novlangue managériale d'aujourd'hui.


On veut un individu positif actif, contributeur de la qualité de vie au travail. Exemple : le management appréciatif, autre tête de gondole de la pensée positive. Il favorise l'échange sur les forces et les réussites d’une équipe, suscitant ainsi créativité, motivation, entraide, coopération, bonne ambiance... Organisations libérées ou agiles sont là pour soutenir et développer les compétences douces qu'a promues récemment notre Ministre du travail Muriel Pénicaut par la création d'un « Haut commissariat à la transformation des compétences » (plan d'investissement de 15 milliards d'euros, tout de même) : sens du travail en équipe, fiabilité, gestion du stress, empathie, goût pour l'organisation, bonne humeur, créativité, écoute... Ce feu d'artifice de soft skills dessine les contours de l'individu compétent : celui qui fait le job, suit les procédures, n'a pas d'embrouille avec les clients internes ou externes...


Tout cela semble plus réjouissant que les austères théories tayloriennes. Je pense juste à l'épuisante contorsion de soi que représente l'effort pour se tenir au-dessus de la ligne de flottaison dans le verre à moitié plein. Positiver est un travail à part entière. Peut-être une nouvelle pression dans le monde du travail ? En tous cas un item qui a déjà sa place dans les grilles d'évaluation.


Christiane Rumillat, 14 septembre 2018


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