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Désirable qualité de vie au travail

Abécédaire du management. Q COMME QUALITÉ










Dessin de Frédéric Deligne,dessinateur et caricaturiste de presse


Cuvété et èrpéès

La qualité de vie au travail est devenu la QVT à la vitesse de l'éclair. C'est à l'usage de l'acronyme qu'on reconnaît les initiés. A peine se familiarisait-on avec les èrpéès (RPS) que la cuvété était dans toutes les bouches des professionnels des ressources humaines. Son origine ? Sans surprise elle nous est venue d'outre Atlantique...en vitesse de croisère semble-t-il, car là où les modes managériales mettent en moyenne 20 ans à traverser l'Atlantique, la qualité de vie au travail en aura mis 40. En 1973 à New York se tenait la première conférence Internationale sur Santé mentale et qualité de vie au travail. En 2013 en France un accord national interprofessionnel (ANI) en proposait une définition conventionnelle :

...sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement, qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation.

On est loin du vocabulaire clivant et négatif des risques psycho-sociaux, loin du discours compassionnel sur la souffrance au travail qui a marqué les années 90 et 2000. Cette définition évoque plutôt la volonté de ré-humaniser le travail, de mettre la personne et son bien-être au centre des préoccupations de l'organisation. On ne peut que s'en réjouir.


Fun et bien-être au travail

Dès le départ, les démarches QVT se sont focalisées sur la personne et les besoins individuels, sur l'air de on fait tout pour vous rendre heureux. Cours de yoga, méditation, services de conciergerie et espaces de sieste, diététique, naturopathie, massage, fleurs de bach... Cette prolifération a été maintes fois moquée, mais il faut la situer dans l'air du temps, dans un rapport au travail marqué par une certaine désaffection : seulement une personne sur cinq considère que le travail est très important sa leur vie. On a appelé ça la grande démission, un processus que la crise sanitaire a accéléré. Alors quand le travail n'est plus central dans la vie des gens ni une composante essentielle de l'identité, on offre de la qualité de vie.


La lettre retrouvée

Il a fallu attendre une dizaine d'années et l'intervention du législateur pour orienter le projecteur de la QVT sur le professionnel au travail. En 2022, la QVT devient QVCT. La lettre retrouvée signale un recentrage de la qualité de vie au travail sur les conditions dans lesquelles s'exerce le travail. Une lettre qui fait toute la différence puisqu'elle souligne que la qualité de vie au travail est avant tout une affaire de situations professionnelles concrètes, que la raison d'être de la QVCT est de veiller à ce que le travail ait du sens et qu'il soit fait dans de bonnes conditions. En somme c'est faire en sorte qu'on ait le sentiment de faire un travail efficace et de qualité.

Or, efficacité et qualité sont bien souvent enfermés dans des rôles distincts : l'efficacité c'est un truc d'économiste et la qualité c'est l'affaire des directions opérationnelles qui fixent les normes. Pourtant les deux sont intimement liées à la question du bien-être : faire ce qu'on a prévu de faire (efficacité) et se reconnaître dans ce qu'on fait (qualité) contribuent au sens et à l'engagement au travail. On ne se sent pas bien quand on n'est pas efficace et qu'on fait un travail qu'on sait de mauvaise qualité. On a au contraire du plaisir quand on atteint les objectifs - qu'on s'est fixés ou qu'on nous a fixés – et qu'on peut les discuter. Le C de conditions est bien la lettre qui permet de recentrer la QVT sur le travail lui-même.


Voix au chapitre

La qualité de vie, c'est aussi les autres. Car le travail a forcément une dimension collective, même si on travaille seul. Un livre publié récemment par des consultants en QVT martèle que La qualité de vie au travail est « l'affaire de tous » (2023), une affaire de lien social le collectif a pleinement son rôle à jouer.

Ce n'est pas le premier livre à prôner une culture de la parole face aux risques psychosociaux. On se demande ce que les organisations attendent pour faire du travail un espace de socialisation où on parlerait de la manière de réaliser les tâches, de ce qui fait la qualité d'un produit ou d'un service ! C'est le texte officiel qui le dit (ANI 2013) : la capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de son travail est déterminante sur notre perception de la qualité de vie. Encore faut-il avoir « voix au chapitre » ! Belle expression qui vient du moyen-âge où prêtres et chanoines vivant en communauté se réunissaient pour échanger et se consulter en un lieu commun appelé chapitre.


A la recherche d'un lieu commun

Où sont les lieux où les salariés débattent de la qualité du travail et de son organisation ? La manière dont les structures publiques et privées font de la QVCT est à l'image de notre culture de travail très clivante, séparant ceux qui organisent de ceux qui réalisent, la pensée de l'action. Elles se sont emparées de la QVCT en lui conférant un cadre gestionnaire : cellules, services, moyens, procédures lui sont dédiés, gérés par...des cadres.

La très respectée ANDCP (Association Nationale des Directeurs et Cadres de la fonction Personnel) appelait récemment de ses vœux une révolution culturelle : le critère de qualité managériale ne doit plus être la performance mais une combinaison durable de confiance et de coopération. On ne peut que se réjouir de ce tournant annoncé quand on sait que, culturellement, le management à la française a une préférence marquée pour le contrôle et la subordination. Mais il y a encore bien des obstacles à cette évolution souhaitée visant à faire du travail un lieu commun fondé sur la confiance et la coopération. Je pense à toutes ces formes actuelles d'organisation où le travail est fragmenté en états provisoires et précaires, où prévaut la culture de la mobilité forcée, où le télétravail et les communications à distance font éclater les équipes et isolent les salariés.


Travail durable

La qualité de vie au travail n'est pas un sujet de nantis. Il en va de la soutenabilité du travail. Il est intéressant de voir que ce mot à la mode s'est imposé dans la sphère du travail et qu'il est plus que jamais associé à la qualité de vie. Il évoque l'intérêt pour les organisations et le désir pour les jeunes générations, d'une activité centrée sur le bien-être et éco-compatible, bref durable.


Christiane Rumillat, 20 octobre 2023



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